dimanche 2 septembre 2012

Kédougou : Mariage forcé, Maïmouna Diallo va-t-elle poursuivre ses études ?


Les mariages précoces forces « arrangés » sont devenus monnaie courante dans la verte région de Kédougou où les  parents ne laissent plus les fleurs éclore de leur gré. Les filles sont données très tôt au mariage pour éviter de tomber enceintes. Maïmouna Diallo risque de s’écrouler sous le poids des pesanteurs socioculturelles. 

 Qui est Maïmouna Diallo ?
Maïmouna Diallo , 14 ans ,est une brillante élève  de la classe de 4ème au CEM de Ninéfécha. Elle s’est toujours classée parmi les cinq premiers de sa classe. Depuis peu, elle ne sait plus à quel saint se vouer. Promise au mariage depuis quelques années, voila que son mari a mis les bouchers-doubles. Il est plus que jamais décidé que sa promise regagne le foyer conjugal.
Les deux familles  sont convenues sur la date du dimanche 2 septembre 2012 pour que la jeune Maïmouna regagne le foyer de son mari.
 Maïmouna Diallo et le combat contre les pesanteurs socioculturelles
Très tôt informée de l’intention de ses parents, Maimouna et sa tante Kadidia Barry sur conseil de son époux Tidiane Sidibé directeur de l’école élémentaire de Bandafassi ont vite saisi le comité départemental de la Scofi de Kédougou.
L’inspecteur départemental de l’Education et l’inspecteur d’académie ont aussitôt  mis leurs véhicules à la disposition d’une forte délégation de la Scofi pour aller à la rencontre des parents de cette fille dont l’ avenir risque d’ être compromis avec ce mariage.
Cette  délégation est composée entre autres de Bintou Founé Danfakha la présidente du comité départemental de la Scofi  en compagnie de Satan Founé Diaby,  Bintou Diawara, Maïmouna Niane, Fatou Sylla et M Benjamin Sambou principal du collège de Ninéfécha.
Il fallait adopter une stratégie efficace en mettant l’accent sur la négociation pour ramener les parents de la fille à la raison. Une fois à Bandafassi la délégation a tenu à rencontrer la fille en question, sa tante, en présence de Moussa Diallo, le chef de village de Bandafassi peulh et de Karim Sidibé, conseiller rural. Tous ont salué cette démarche du comité départemental de la Scofi de Kédougou.
«Aujourd’hui,  tout le monde est conscient de l’importance de la scolarisation des filles. Si Maïmouna réussit dans ses études, ses parents seront les premiers à en  tirer profit. Les filles sont celles qui aident beaucoup plus leurs parents que les  garçons. Nous allons tous unir nos forces et demander à ses parents de la laisser continuer  ses études. Comme Maïmouna est intelligente, elle doit pouvoir continuer ses études. Si elle réussit à l’école cela vaut mieux que le ménage. La vie conjugale est caractérisée par des hauts et des bas tandis que la réussite à l’école est définitive. » a précisé Karim Sidibé, conseiller rural à Bandafassi.
Moussa Diallo, le chef de village de Bandafassi abordera le sujet dans le même sillage. «  Nous sommes très contents de votre démarche car vous avez regardé sur vous-mêmes d’abord en tant que modèles de femmes ayant réussi. Toute fille qui réussit à l’école  pensera d’abord à récompenser ses parents avant quiconque. J’ai vu des exemples pareils où les parents avaient voulu stopper les études de leur fille pour une question de mariage. Fort heureusement que celle-ci a réussi dans ses études et s’occupe bien de ses parents aujourd’hui. »
La Scofi prévientMaïmouna Diallo donne sa parole d’honneur
A la lumière des différentes interventions, à tour de rôle, les membres de la scofi (toutes des femmes) ne sont pas allées par quatre chemins d’ abord pour caractériser le problème et dire la verité toute la vérité à Maïmouna.
« Le problème se situe à trois niveaux : Maïmouna n’aime pas son « mari »- son âge ne lui permet pas de se marier- et elle veut poursuivre ses études…Par ailleurs la Scofi ne doit pas fermer les yeux sur cela. Il faudrait que les parents de Maïmouna comprennent qu’en consommant ce mariage, ils sont en train de violer les droits de leur fille  » a précisé Bintou Founé Danfakha, présidente de la Scofi.
Fatou Sylla a saisi cette occasion pour partager sa propre expérience   en tant  que victime lors de sa tendre jeunesse de ces mariages forcés « arrangés ». Ce récit très émouvant a plongé la jeune Maïmouna Diallo dans une position confortée de sa  décision de ne jamais vivre une situation pareille.
De ses yeux jaillissait une lumière éblouissante symbolisant sa courageuse décision de ne jamais se laisser entrainer dans les méandres de cette vie conjugale  incertaine que lui proposent ses parents à cet âge.
Aussitôt  insista Bintou Diawara : «  il ne faudrait pas que toute la délégation ici présente t’aide à remporter ce combat et qu’au finish tu te prennes à la légère à tel point que tu tombes enceinte. Ce sera une honte pour toi et pour nous pour le reste de la vie. »
 Ainsi après un court récit  des péripéties de ses premiers jours de  combat contre la volonté de ses parents, Maïmouna Diallo a-t-elle pris l’engagement solennel de poursuivre ses études rien que ses études. « je veux continuer mes études. »
Le mariage forcé peut –il être  une solution aux grossesses non-désirées ?
 «  Je  me suis mariée depuis plusieurs années avec son papa. Et ce dernier ne me soutient jamais .Si je trouve un trouve un mari pour elle cela me réjouirait.
Ma fille connait bien ma souffrance et mon inquiétude et ma peur de la laisser ainsi sans époux. Lorsqu’ils ont demandé la main de ma fille, j’ai dit accepté tout en confiant à son prétendant qu’elle va continuer  les études même au foyer. Moi-même, je regrette maintenant de ne pas avoir été scolarisée. Avec tous les cas de grossesses non-désirées qu’on note un peu partout, moi, je ne voudrai pas que ma fille ait un enfant hors mariage… ».

Le mariage forcé des filles, une résultante des violences économiques faites aux femmes au foyer
Poursuivant son récit sur ses difficiles conditions de vie  Coumbayel  Barry, la voix cassée  et haletante ajoutera : « Si vous voyez que je nettoie les rues, balaie  ou fais le linge pour certains c’est tout simplement pour subvenir aux besoins de mes enfants. Je suis  seule à m occuper de ses frais de scolarisation.
J’ai été choquée lorsque ma fille a été renvoyée de l’école pour n’avoir pas versé sa cotisation annuelle alors que son papa avait promis de verser la somme demandée. Maïmouna connait bien ma souffrance. Le toit de ma case a suinté pendant plusieurs saisons hivernages, son papa le savait  pourtant, il n’a rien essayé. Son prétendant a été le seul à me sortir de cette situation.
Auparavant, même pour faire mes besoins naturels, j’étais  obligée d’aller chez des voisines. C’est grâce à son prétendant que j’ai pu sortir de cette honte.
Même au foyer conjugal, le jeune homme a promis de la laisser poursuivre ses études. Comme lui est analphabète, il ne voudrait pas que son épouse aussi se déscolarise assez vite. Il nous a fait cette promesse.
Si vous voyez que j’insiste sur ce mariage c’est surtout pour que son mari puisse nous soutenir afin que nous puissions sortir de cette souffrance. Je ne compte sur ma force physique et mon bétail pour subvenir à mes besoins. A cet instant, j’ai fini par brader tous mes animaux »
L’administration locale prend le dossier en main
Après avoir écouté attentivement les allégations  Coumbayel  la maman de la fille, Mouhamadou Moustapha Thiandoum, le sous-préfet de Bandafassi a aussitôt informé le chef de poste de la gendarmerie de Ninéfécha pour qu’il puisse convoquer le couple à la sous-préfecture.
«  Il n’est pas question de sceller ce mariage  puisque la fille n’est pas consentante  et son âge ne lui permet pas de se marier .Dans un premier temps je vais dialoguer avec les parents pour les amener à surseoir à ce mariage précoce et forcé. Si les parents s’entêtent à poursuivre leurs intentions, ils seront responsables de tout ce qui pourrait arriver à leur fille.
Déjà Maïmouna a commencé à brandir certaines menaces. Et si jamais elle  les met en exécution, ses parents seront poursuivis par la loi avec toute la rigueur qu’elle impose.» a précisé M Thiandoum.
Il a aussi confié à sa tante Kadidia Barry, la garde provisoire de Maïmouna Diallo en attendant que la situation se régularise et que les parents de la fille renoncent à ce projet de mariage précoce et forcé.
Maïmouna va-t-elle suivre les traces d’Oumou Djiba Diallo ?
Oumou Djiba Diallo est cette élève en classe de Cm2 qui  grâce à la scofi et à l’administration avait de justesse été sauvée d’un mariage précoce forcé.
La même année, elle a réussi à l’entrée en sixième en étant classée première du Sénégal. Aujourd’hui, elle poursuit tranquillement ses études au lycée Mariama Bâ de Gorée.
Elle excelle dans les disciplines scientifiques,à la rentrée,Oumou Djiba sera en classe de première.
Reste à savoir si Maïmouna Diallo  suivra pas à pas Oumou Djiba Diallo qui constitue une référence en matière de combat pour la scolarisation des filles et contre les mariages forcés et/ou précoces dans partie du Sénégal où les pesanteurs socioculturelles persistent encore et encore.
Adama Diaby