Les mariages précoces forces
« arrangés » sont devenus monnaie courante dans la verte région de
Kédougou où les parents ne laissent plus
les fleurs éclore de leur gré. Les filles sont données très tôt au mariage pour
éviter de tomber enceintes. Maïmouna Diallo risque de s’écrouler sous le poids
des pesanteurs socioculturelles.
Maïmouna
Diallo , 14 ans ,est une brillante élève de la classe de 4ème au CEM de
Ninéfécha. Elle s’est toujours classée parmi les cinq premiers de sa classe.
Depuis peu, elle ne sait plus à quel saint se vouer. Promise au mariage depuis
quelques années, voila que son mari a mis les bouchers-doubles. Il est plus que
jamais décidé que sa promise regagne le foyer conjugal.
Les deux
familles sont convenues sur la date du dimanche 2 septembre 2012 pour que la
jeune Maïmouna regagne le foyer de son mari.
Maïmouna Diallo et le combat contre les
pesanteurs socioculturelles
Très tôt
informée de l’intention de ses parents, Maimouna et sa tante Kadidia Barry sur
conseil de son époux Tidiane Sidibé directeur de l’école élémentaire de
Bandafassi ont vite saisi le comité départemental de la Scofi de Kédougou.
L’inspecteur
départemental de l’Education et l’inspecteur d’académie ont aussitôt mis leurs véhicules à la disposition d’une
forte délégation de la Scofi pour aller à la rencontre des parents de cette
fille dont l’ avenir risque d’ être compromis avec ce mariage.
Cette délégation est composée entre autres de Bintou
Founé Danfakha la présidente du comité départemental de la Scofi en compagnie de Satan Founé Diaby, Bintou Diawara, Maïmouna Niane, Fatou Sylla
et M Benjamin Sambou principal du collège de Ninéfécha.
Il fallait
adopter une stratégie efficace en mettant l’accent sur la négociation pour
ramener les parents de la fille à la raison. Une fois à Bandafassi la
délégation a tenu à rencontrer la fille en question, sa tante, en présence de
Moussa Diallo, le chef de village de Bandafassi peulh et de Karim Sidibé,
conseiller rural. Tous ont salué cette démarche du comité départemental de la
Scofi de Kédougou.
«Aujourd’hui,
tout le monde est conscient de l’importance de la scolarisation des filles. Si
Maïmouna réussit dans ses études, ses parents seront les premiers à en tirer profit. Les filles sont celles qui aident
beaucoup plus leurs parents que les garçons.
Nous allons tous unir nos forces et demander à ses parents de la laisser
continuer ses études. Comme Maïmouna est
intelligente, elle doit pouvoir continuer ses études. Si elle réussit à l’école
cela vaut mieux que le ménage. La vie conjugale est caractérisée par des hauts
et des bas tandis que la réussite à l’école est définitive. » a précisé
Karim Sidibé, conseiller rural à Bandafassi.
Moussa
Diallo, le chef de village de Bandafassi abordera le sujet dans le même sillage.
« Nous sommes très contents de votre démarche car vous avez regardé sur
vous-mêmes d’abord en tant que modèles de femmes ayant réussi. Toute fille qui
réussit à l’école pensera d’abord à récompenser ses parents avant
quiconque. J’ai vu des exemples pareils où les parents avaient voulu stopper
les études de leur fille pour une question de mariage. Fort heureusement que
celle-ci a réussi dans ses études et s’occupe bien de ses parents aujourd’hui. »
La Scofi prévient…Maïmouna
Diallo donne sa parole d’honneur
A la lumière
des différentes interventions, à tour de rôle, les membres de la scofi (toutes
des femmes) ne sont pas allées par quatre chemins d’ abord pour caractériser le
problème et dire la verité toute la vérité à Maïmouna.
« Le
problème se situe à trois niveaux : Maïmouna n’aime pas son
« mari »- son âge ne lui permet pas de se marier- et elle veut
poursuivre ses études…Par ailleurs la Scofi ne doit pas fermer les yeux sur
cela. Il faudrait que les parents de Maïmouna comprennent qu’en consommant ce mariage,
ils sont en train de violer les droits de leur fille » a précisé Bintou Founé
Danfakha, présidente de la Scofi.
Fatou Sylla
a saisi cette occasion pour partager sa propre expérience en
tant que victime lors de sa tendre
jeunesse de ces mariages forcés « arrangés ». Ce récit très émouvant
a plongé la jeune Maïmouna Diallo dans une position confortée de sa décision de ne jamais vivre une situation
pareille.
De ses yeux
jaillissait une lumière éblouissante symbolisant sa courageuse décision de ne
jamais se laisser entrainer dans les méandres de cette vie conjugale incertaine que lui proposent ses parents à cet
âge.
Aussitôt insista Bintou Diawara : « il ne
faudrait pas que toute la délégation ici présente t’aide à remporter ce combat
et qu’au finish tu te prennes à la légère à tel point que tu tombes enceinte.
Ce sera une honte pour toi et pour nous pour le reste de la vie. »
Ainsi après un court récit des péripéties de ses premiers jours de combat contre la volonté de ses parents,
Maïmouna Diallo a-t-elle pris l’engagement solennel de poursuivre ses études
rien que ses études. « je veux continuer mes études. »
Le mariage forcé peut –il être une solution aux grossesses
non-désirées ?
« Je me suis mariée depuis plusieurs années avec
son papa. Et ce dernier ne me soutient jamais .Si je trouve un trouve un mari
pour elle cela me réjouirait.
Ma fille
connait bien ma souffrance et mon inquiétude et ma peur de la laisser ainsi
sans époux. Lorsqu’ils ont demandé la main de ma fille, j’ai dit accepté tout
en confiant à son prétendant qu’elle va continuer les études même au foyer. Moi-même, je regrette
maintenant de ne pas avoir été scolarisée. Avec tous les cas de grossesses
non-désirées qu’on note un peu partout, moi, je ne voudrai pas que ma fille ait
un enfant hors mariage… ».
Le mariage forcé des filles, une
résultante des violences économiques faites aux femmes au foyer
Poursuivant
son récit sur ses difficiles conditions de vie Coumbayel
Barry, la voix cassée et
haletante ajoutera : « Si vous voyez que je nettoie les rues, balaie ou fais le linge pour certains c’est tout
simplement pour subvenir aux besoins de mes enfants. Je suis seule à m occuper de ses frais de
scolarisation.
J’ai été
choquée lorsque ma fille a été renvoyée de l’école pour n’avoir pas versé sa
cotisation annuelle alors que son papa avait promis de verser la somme demandée.
Maïmouna connait bien ma souffrance. Le toit de ma case a suinté pendant
plusieurs saisons hivernages, son papa le savait pourtant, il n’a rien essayé. Son prétendant a
été le seul à me sortir de cette situation.
Auparavant, même
pour faire mes besoins naturels, j’étais
obligée d’aller chez des voisines. C’est grâce à son prétendant que j’ai
pu sortir de cette honte.
Même au
foyer conjugal, le jeune homme a promis de la laisser poursuivre ses études. Comme
lui est analphabète, il ne voudrait pas que son épouse aussi se déscolarise
assez vite. Il nous a fait cette promesse.
Si vous
voyez que j’insiste sur ce mariage c’est surtout pour que son mari puisse nous
soutenir afin que nous puissions sortir de cette souffrance. Je ne compte sur
ma force physique et mon bétail pour subvenir à mes besoins. A cet instant,
j’ai fini par brader tous mes animaux »
L’administration locale prend le
dossier en main
Après avoir
écouté attentivement les allégations Coumbayel
la maman de la fille, Mouhamadou
Moustapha Thiandoum, le sous-préfet de Bandafassi a aussitôt informé le chef de
poste de la gendarmerie de Ninéfécha pour qu’il puisse convoquer le couple à la
sous-préfecture.
« Il n’est
pas question de sceller ce mariage
puisque la fille n’est pas consentante
et son âge ne lui permet pas de se marier .Dans un premier temps je vais
dialoguer avec les parents pour les amener à surseoir à ce mariage précoce et
forcé. Si les parents s’entêtent à poursuivre leurs intentions, ils seront
responsables de tout ce qui pourrait arriver à leur fille.
Déjà
Maïmouna a commencé à brandir certaines menaces. Et si jamais elle les met en exécution, ses parents seront
poursuivis par la loi avec toute la rigueur qu’elle impose.» a précisé M
Thiandoum.
Il a aussi
confié à sa tante Kadidia Barry, la garde provisoire de Maïmouna Diallo en
attendant que la situation se régularise et que les parents de la fille
renoncent à ce projet de mariage précoce et forcé.
Maïmouna va-t-elle suivre les traces d’Oumou
Djiba Diallo ?
Oumou Djiba
Diallo est cette élève en classe de Cm2 qui grâce à la scofi et à l’administration avait
de justesse été sauvée d’un mariage précoce forcé.
La même
année, elle a réussi à l’entrée en sixième en étant classée première du Sénégal.
Aujourd’hui, elle poursuit tranquillement ses études au lycée Mariama Bâ de
Gorée.
Elle excelle dans les disciplines scientifiques,à la rentrée,Oumou Djiba sera en classe de première.
Elle excelle dans les disciplines scientifiques,à la rentrée,Oumou Djiba sera en classe de première.
Reste à savoir
si Maïmouna Diallo suivra pas à pas
Oumou Djiba Diallo qui constitue une référence en matière de combat pour la
scolarisation des filles et contre les mariages forcés et/ou précoces dans
partie du Sénégal où les pesanteurs socioculturelles persistent encore et
encore.
Adama Diaby